Rencontre avec Maïss Karfoul, poète syrienne et les élèves de 3e
Lecture de poèmes et rencontre discussion de Maïss Karfoul, au collège Marengo le vendredi 26 mars 2021
Accueil de Maïss Karfoul par la classe de 3e1 et les professeurs Mme Sudre et Mme Gandon-Rauch.
Maïss se présente aux élèves. Elle vit en France depuis 10 ans. Elle y mène des études de droit (elle est inscrite en thèse). Elle vient d’une petite ville en Syrie qui n’est pas trop touchée par la guerre, en tout cas pas directement.
Les élèves ont tous lu le recueil « Vague Mont Ciseaux » (éditions Plaine Page, 2019).
Lecture du premier poème (p. 51)
Temps
On vit en lenteur
au point de toucher le seuil de la douleur
alors que la guerre se précipite avec ses sanglots
comme si nous étions des secondes émiettées
et la guerre le temps
Ailleurs on vit en vitesse :
McDonald, TGV
et le métro qui ne dort pas
Lui seul
connaît le visage métissé de l’aube
et de ceux qui crachent leur tristesse et leur bière
dans sa bouche
avant d’aller dormir
Les mouvements sont rapides
mais l’abîme est lent
Un film montre le fil de la vie
en noir et blanc
et les cris en couleur
Les questions portent sur l’écriture, ce qui l’inspire, sur le sens du titre du recueil. Les commentaires sur la musicalité des poèmes en arabe.
Une question sur les influences : d’autre poètes arabes ont influencé Maïss. Mais aussi des films, toute forme d’art, et même toute la vie inspire l’écriture, des fois même plus la vie que l’écriture.
Maïss évoque Adonis, poète Syrien qui vit à Paris.
Adonis dont voici un poème :
Par une nuit de pleine lune
essaye de fixer la galaxie
Tu verras qu’elle est cours d’eau
avec tes bras pour affluents
ta poitrine pour estuaire
Aujourd’hui le ciel a écrit son poème
à l’encre blanche
Il l’a appelé neige
(...)
Le palmier parle avec son tronc
la rose avec son odeur
Le vent et l’espace vagabondent
main dans la main
Arc-en-ciel ?
Unité du ciel et de la terre
tressés en une seule corde
Il marche sur les versants de l’automne
appuyé au bras du printemps
Le ciel pleure lui aussi
mais il essuie ses larmes
avec le foulard de l’horizon
(...)
Pour toucher la lumière
tu dois t’appuyer sur ton ombre
Je sens parfois que le vent
est un enfant qui crie
porté sur mes épaules
(...)
Tu ne peux être lanterne
si tu ne portes la nuit
sur tes épaules
Je conclurai un pacte avec les nuages
pour libérer la pluie
Un autre avec le vent
pour qu’il nous libère
les nuages et moi
La parole est demeure dans l’exil
chemin dans la patrie
Qu’il est étrange ce pacte
entre les vagues et le rivage –
le rivage écrit le sable
les vagues effacent l’écriture
(...)
Autre poète évoqué : Ounsi el-Hajj (libanais)
« Prétendez que j’ai rendez-vous et donnez-moi un peu de temps/
Tout le monde aura du temps, alors patience/
Soyez patients le temps que j’assemble ma prose/
Votre visite est inopinée et mon voyage est long/
Votre regard est perçant et mes feuilles dispersées/
Votre affection est un été et mon amour est la terre (…)
Je t’appelle au-delà de tout et en-deçà de tout et de toutes parts/
Écoute-moi arriver voilé et mystérieux/
Écoute-moi/
Écoute-moi répudié et en partance/
Mon cœur est noir de solitude et mon âme rouge/
Cependant le tableau du monde est blanc/
Et les mots sont blancs ».
Extraits traduits de l’arabe par Ritta Baddoura.
Enfin, la poétesse d'origine libanaise Etel Adnan
Dont voici un extrait du livre "Le prix que nous ne voulons pas payer pour l'amour "de Etel Adnan
"On pourrait dire que l'amour pour un certain arbre, ou même pour la Nature, est quelque chose de bénin, mais l'amour n'est jamais bénin. Il peut mobiliser, et il le fait, tout votre être. Ce que nous appelons "Nature" recouvre une infinité de réponses. Cela englobe l'exploration, la prise de risque, la révolution dans votre vie. Cela peut vous conduire au sommet de l'Himalaya, au bord de volcans, de gouffres ou dans les laboratoires. Cela vous révélera à vous-même. Cela inspirera des artistes, des poètes et des philosophes. Cela ouvrira des voies pour la compréhension du sublime" (p. 13)